viernes, 15 de octubre de 2010

Le cavalier du Louvre

"Il a donc traversé tous les régimes? Louis XV, Louis XVI, la Révolution, la Terreur, le Directoire, le Consulat, l'Empire, la Restauration? Sans y perdre la tête? Et vous dites qu'après avoir fondé le musée du Louvre, il a fini sa vie tranquillement à Paris, quai Voltaire, comme un collectionneur célèbre visité de partout? Qu'il a son tombeau très officiel, avec statue, au Père-Lachaise? Qu'il a connu tout le monde, les rois, les reines, Frédéric de Prusse, le cardinal de Bernis, Catherine de Russie, Pie VII, des généraux, des ambassadeurs, Robespierre, Joséphine, Napoléon, et aussi Diderot, Voltaire, Stendhal? Il a donc vécu cent cinquante ans? Non, soixante-dix-huit. Une vie tantôt calme et tantôt frénétique; méditative, ou bien à cheval, au milieu des canons.
[...]
Bref, quoi? C'est un auteur licencieux? Un anarchiste masqué? Un archéologue amateur? Un homme de goût opportuniste devenu révolutionnaire? Un technicien avisé du pillage de l'Europe et, par conséquent, l'inventeur de l'idée moderne de musée? Un diplomate à éclipses? Un agent très secret? Un courtisan? Un spécialiste des missions hautement symboliques? Un administrateur obstiné et froid? Un patriote? Un aimable épicurien flottant, sans jamais sombrer, sur les vagues d'une histoire déchaînée? Un protégé des femmes? Un conseiller des ombres? Un des rares survivants des Lumières? Un homme du passé ayant victorieusement franchi l'épreuve du futur? Un excellent dessinateur et graveur? Un écrivain de génie préférant le silence? Un visionnaire? Un jouisseur? Un intrigant? Un sage? Tout cela à la fois."
Philippe Sollers, Le Cavalier du Louvre (1995)

Imagen: Fragonard Alexandre Évariste, Vivant Denon replaçant les restes du Cid dans leur tombe (1811)

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